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Stefan Zweig, Magellan, 1938, Les cahiers rouges Grasset, note de lecture

on Dimanche, 28 Août 2011. Posted in JEFF Blog

Portrait de Fernand de Magellan

Fade, insipide, la nourriture de l’Europe au moyen âge s’enrichit de saveurs imprévues avec l’introduction des épices en cuisine. L’Occident les importe d’Arabie et d’Inde. Facile à produire, leur prix n’en reste pas moins faramineux en raison de la multiplication du nombre des intermédiaires. C’est la difficulté d’acheminer à travers les mers, les déserts en évitant les dangers et les périls, en payant son tribu à chaque fois aux intermédiaires. Finalement, c’est au terme d’un périple de deux ans que les précieux grains arrivent jusqu’à nos tables. Les palais de Venise ont été édifiés avec ce trafic : « mais les gros profits suscitent inévitablement l’envie ».

Le tour du monde de Fernand de Magellan et Juan Sebastián Elcano 20/09/1519 - 06/09/1522
Dans ce mouvement, les turcs et les arabes dressent une barrière infranchissable entre les Indes et l’Europe, défendant leur monopole âprement. C’est ici qu’interviendra la croisade dont les motivations sonnantes et trébuchantes sont assurément plus vives que les justifications mystico-religieuses.

MagellanL’entreprise ayant échoué, il s’est trouvé des marchands, des puissants pour financer les expéditions de Colomb, Vasco de Gama, Magellan. Mais celui qui rendrait possible ces voyages fut l’Infant Henrique. Car pour réussir, il fallait d’abord reconstituer les notions géographiques et nautiques perdues depuis la fin de Rome. C’est le lègue au Portugal d’Henrique. Mais c’est le génois, Christophe Colomb qui traverse pour le compte de l’Espagne l’Atlantique pour gagner les Indes par l’Ouest (1492-1493).

En 1518, la découverte des océans est achevée alors que des vaisseaux portugais mouillent à Canton. Les cartographes travaillent sans répit. La forme et la configuration de la terre sont précisées. Un seul exploit reste à faire : réaliser le tour du monde. L’objectif n’est pas désintéressé, il s’agit de chasser les commerçants arabes et indiens des comptoirs où le Portugal veut prendre le pouvoir en fermant totalement à son profit toutes les mers situées dans sa sphère d’influence.

Magellan (né en 1480) d’essence noble, mais appartenant au 4ème rang de noblesse, embarque en qualité de « sobresolente », employé à toutes les besognes. En 1509, il retourne en Inde sur la flottille qui est chargée de s’emparer des iles aux épices. Attaqués à Malacca, le sang froid de Magellan permet de déjouer le piège tendu par le sultan. Nommé officier de la flotte, il participera à la bataille de 1511, qui verra la conquête de Malacca et la chute du commerce musulman des épices. De retour au pays en 1512, l’entregent de Magellan lui permet d’échapper à la misère malgré ses mauvaises manières : renfermé, silencieux, d’une personnalité difficile, il ne savait pas fédérer bien qu’une espèce d’ambition se dégageait de sa personnalité.

Portrait de Magellan, Marin« Il a servi son roi, son pays, de toutes les manières possibles. Mais servir est l’affaire de la jeunesse, et à l’approche de la 36ème année, Magellan trouve qu’il s’est assez longtemps sacrifié pour l’intérêt et la gloire des autres. Comme tous les créateurs, il aspire vers le milieu de l’existence à voler de ses propres ailes et à vivre pour lui-même. Abandonné de sa patrie, le voilà libre ».

Passage de Magellan
Se liant d’amitié avec Ruy Faleiro, géographe de génie, lui aussi rejeté à la cour où il a indisposé, il projette, là où tous les explorateurs ont échoué, à découvrir le passage permettant d’aller aux Indes par l’Ouest et de faire le tour de la terre.

Croyant connaître l’endroit exact où se trouve le passage, sur la foi de renseignements erronés, confondant l’embouchure du Rio de Plata et le passage de Magellan, il réclame une flotte pour accomplir son « plan grandiose de circumnavigation de la terre ».

« Mais on aurait tort d’en rire, quand elle est touchée par le génie et conduite par le hasard, une folle erreur peut donner naissance à la plus haute vérité ».

Repoussé par le roi, il ne peut réaliser son dessein. Aussi, il cherche assistance auprès du roi d’Espagne et offre à cette couronne un titre de propriété. Ce faisant, il porte gravement atteinte aux intérêts de sa patrie. « Mais l’homme qui créé est soumis à une loi plus haute que la loi nationale. Celui qui a une œuvre à accomplir, une découverte à faire ou un exploit à réaliser qui intéressent l’humanité entière, celui-là sa vraie patrie ce n’est pas le pays où il est né mais son œuvre elle-même. C’est devant elle seule qu’il est en définitive responsable de ses actes. Il lui sera plus facile de mépriser les intérêts temporels d’un Etat que l’obligation intérieure que lui imposent ses dons particuliers et son destin ».

En Espagne, il cherche d’abord à se faire des relations, se procurer des recommandations, avoir derrière lui de l’argent avant de commencer à négocier avec les maîtres du pouvoir et de l’argent ». Hébergé par un cousin éloigné à Séville, il devient vite son gendre. Puis, reçu par le Conseil de la couronne pour défendre son projet et imposer sa mission, sa passion convint et enthousiasme Charles Quint pour ce voyage autour du monde qui doit fixer définitivement les dimensions de la terre. Magellan suivra personnellement l’armement des cinq navires. Dans cette action, il a fait preuve d’un héroïsme et d’un esprit de sacrifice surhumains. « La somme des obstacles qu’un homme surmonte en pareil cas donne toujours la mesure véritable, exacte, de l’œuvre de celui qui l’a accomplie ».

Le mardi 20 septembre 1519, les bateaux lèvent l’encre. Six jours plus tard, ils arrivent aux iles Canaries où il apprend que le capitaine Juan de Cartagena qui dirige l’un des bateaux de la flottille, est à la tête d’un pacte qui lie les capitaines espagnoles contre Magellan. Les bateaux prennent malgré tout la direction du sud, longeant la côte africaine, jusqu’à l’actuelle Sierre Léone. Mais l’absence de vent amène le capitaine espagnol à contester son autorité. Il sera bientôt arrêté.

Reconstitution du bateau de MagellanLe 29 novembre, les côtes brésiliennes sont atteintes puis le 13 décembre, Rio. Après quelques jours de villégiatures, le 10 janvier, Montevideo est en vue. Croyant avoir atteint le passage, il envoie trois navires dans l’embouchure du Rio Plata. Mais la croyance d’un passage au 40ème parallèle est fausse. Le voyage devient alors plus pénible, il fait examiner chaque baie, dans l’espoir de trouver le passage. Ce faisant, il perd du temps, car tandis qu’il fouille chaque golfe, l’hiver s’installe.

L’inquiétude fait son apparition au sein de l’équipage. L’hivernage aura lieu dans un site du 49ème. Isolé, Magellan ne peut toutefois donner des éclaircissements sur un passage qu’il n’a pas trouvé et reconnaitre que ses cartes sont fausses. Confrontés pendant cette période à la mutinerie des capitaines espagnols qui s’emparent d’un des bateaux. Mais il le reprend par un astucieux coup de force. Puis un navire est détruit dans un coup de mer. Le 24 août, il appareille pour le sud après qu’un nouveau navire envoyé en éclaireur ne se soit brisé sur un récif. C’est alors qu’il ordonne deux mois d’arrêt dans une anse. Le 18 octobre 1520, il repart pour découvrir le 21, le fameux passage à moins de deux milles de leur arrêt de deux mois.

Deux navires expédiés reviennent avec un message de victoire. Les hommes s’engagent alors entre ces falaises abruptes. Dans l’art de la navigation le véritable génie de Magellan, c’est une persévérance et une prudence extraordinaire.

Vers le 25 novembre 1520, l’accès au Pacifique est atteint. Il s’en suit la traversée de l’océan pacifique dans lesquels les bateaux avancent dans le désert sans fin de l’océan. Ils arrivent aux Philippines et prouve ainsi que la terre est ronde. Dès le début, il s’efforce d’obtenir l’annexion de nouvelles provinces plutôt au moyen de traités d’amitiés. Mais Magellan, lui toujours si prudent, meurt dans une rixe l’opposant avec des « sauvages ». Le bateau entreprend alors le voyage du retour en septembre 1522.

La mort de Magellan« C’est au moment où son idée a triomphé que se manifeste le tragique de la destinée de Magellan, à qui il était permis de porter le poids d’une tâche mais non de se réjouir de sa réussite ».

La route qu’il a trouvée, c’est à peine si l’on s’en sert, elle ne rapporte ni argent, ni profit. Après sa mort tous les bateaux qui veulent s’y engager se perdent dans le détroit. Les espagnols préfèrent passer l’isthme de Panama et y transbordent leurs marchandises à pied au prix de mille difficultés plutôt que de s’aventurer dans les fjords sinistres de Patagonie. La navigation est si dangereuse dans le détroit de Magellan que cette découverte tombe rapidement dans l’oubli. Enfin, lorsqu’en 1913, le Canal de Panama reliant l’Atlantique au Pacifique est ouvert, le détroit de Magellan devient là tout à fait superflu.

Magellan mortce n’est jamais l’utilité d’une action qui en fait la valeur morale. Seul enrichit l’humanité, d’une façon durable, celui qui en accroît les connaissances et en renforce la conscience créatrice. Sous ce rapport l’exploit de Magellan dépasse tous ceux de son époque. (…) En trouvant la mesure, cherchée en vain depuis des siècles et des siècles, du globe terrestre, l’humanité a découvert sa véritable mesure, et, à la grandeur de l’espace terrestre vaincu, reconnu avec joie et courage sa propre grandeur. L’exploit de Magellan a prouvé, une fois de plus, qu’une idée animée par le génie et portée par la passion est plus forte que tous les éléments réunis et que toujours un homme, avec sa petite vie périssable, peut faire de ce qui a paru un rêve à des centaines de générations une réalité et une vérité impérissables. »


Le tour du monde de Fernand de Magellan et Juan Sebastián Elcano 20/09/1519 - 06/09/1522

Tour du monde

  • Départ Sanlúcar de Barrameda
  • Départ : 20 septembre 1519
  • Îles Canaries : 26 septembre 1519
  • Côte brésilienne : 29 novembre 1519
  • Bahia de Santa Lucia (Baie de Rio de Janeiro) :13 décembre 1519
  • Río de Solis (Rio de la Plata) : 12 janvier 1520
  • Puerto San Julián : 31 mars 1520
  • Cabo Vírgenes (Cap des Vierges) : 21 octobre 1520
  • Estreito de Todos los Santos (Détroit de Magellan)
  • Cabo Deseado : 28 novembre 1520
  • Islas de los Tiburones (Puka Puka) : 21 janvier 1521
  • Isla de San Pablo (île Vostok ou île Flint ?) : 4 février1521
  • Islas de los Ladrones(Îles Mariannes) : 6 mars 1521
  • Samar : 16 mars 1521
  • Homonhon : 17 mars 1521
  • Limasawa : 28 mars 1521
  • Cebu : Avril 1521
  • Mactan : 27 avril 1521 (mort de Magellan)
  • Palawan
  • Brunei
  • Tidore : 8 novembre 1521
  • Ambon : 29 décembre 1521
  • Timor : 25 janvier 1522
  • Cap de Bonne-Espérance : 19 mai 1522
  • Îles du Cap Vert : 9 juillet 1522
  • Sanlúcar de Barrameda : Retour : 6 septembre 1522

Juan Sebastian El Cano

 

 

 

 

 

 

Liste des navires au départ de l'expédition

  • Trinidad
  • San Antonio
  • Concepción
  • Santiago
  • Victoria

Pour en savoir plus :

Wikipédia

Americas

Le Tour du monde de Magellan et de son successeur Elcano par Annie Baert, Agrégée d'espagnol. Docteur en études ibériques

Navire de Magellan

Crédit des cartes

Bibliographie Sélective :

  • Barrault, Jean-Michel. Magellan: la terre est ronde. Paris: Gallimard, 1997.
  • Bernand, Carmen et Serge Grunzinski. Histoire du Nouveau Monde. Paris: Fayard, 1991.
  • Carrasco, A. Landin : España en el mar. Padrón de descubridores. Madrid: Editorial naval, 1992.
  • Collectif. Descubrimientos españoles en el Mar del Sur. Madrid: Editorial naval, 1992.
  • Gil, Juan. Mitos y utopías del descubrimiento. Madrid: Alianza Universidad, 1989.
  • Pigafetta, Antonio. Relation du premier tour du monde de Magellan (1519-1522). Paris: Taillandier, 1991.

 

 

 

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